002 Aux poètes du temps
Saint Louis-Marie Grignion de MONTFORT
Même titre : Aux poètes du temps
Cantique modifié
Musique : Carlito
J’ai une idée de mélodie
j’y travaille !
1 Ceci n'est pas pour vous charmer, Vous qui ne pensez qu'à rimer, Grands poètes, gens incommodes. Je laisse à d'autres vos méthodes. 2 Je sais bien que vous n'approuvez Que les vers qui sont relevés, Que des phrases à double étage, Qui font un fou plutôt qu'un sage. 3 Vos grands vers ne sont pas communs, Oui, mais ils sont bien importuns, Vous courrez l'un et l'autre pôle Pour dire une pauvre parole.
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Vos vers sont beaux, ils font grand bruit Ce sont des vers luisants de nuit, Le sage en méprise la pompe, Tandis que l'homme fou s'y trompe. 11
Voici mes vers et mes chansons : S'ils ne sont pas beaux, ils sont bons, S'ils ne flattent pas les oreilles, Ils riment de grandes merveilles. 12
S'ils ne sont que pour les petits, Ils n'en sont pas d'un moindre prix ; Si ce sont des vers ordinaires, Ils n'en sont pas moins salutaires.

4 Si vos vers étaient vraiment grands, Ils seraient compris des enfants; Ils sont si hauts, ils sont si rares, Qu'ils en sont devenus barbares 5 A la mode, un prédicateur, A la mode, un subtil rimeur; A moins qu'on ne soit à la mode, On est sot ou bien incommode. 6 Oui, vos vers sont trop achetés, N'étant pleins que de vanités, Que de cent sortes d'amourettes, Indignes des âmes parfaites. 7 Vous débitez la vanité Comme une pure vérité, Vous ferez passez une fable Pour une histoire véritable. 8 Comme les poètes païens Vous prenez les maux pour des biens, Je pourrais vous nommer profanes, Ou, pour bien rimer, de francs ânes. 9 A peine trouve-t-on en eux Rien qui ne soit pernicieux, L'impureté la plus plaisante Est chez eux la plus innocente.
13 Lisez-les donc, et les chantez, Pesez-les et les méditez, N'y cherchez point l'esprit sublime, Mais la vérité que j'exprime. 14 Prédicateur, dans mes chansons, Vous pourrez trouvez vos sermons, J'en ai digéré la matière Pour vous aider et pour vous plaire. 15 Voici des sujets d'oraison, Je crois le dire avec raison, Car souvent un vers, une rime Font qu'une vérité s'imprime. 16 Chantez, et de bouche et de cœur, A haute voix, avec ardeur, Pour bannir du cœur la tristesse Et pour le remplir d'allégresse. 17 Prenez garde à la vanité, Qui chante veut être écouté; Si votre voix est ravissante, Que votre âme soit innocente. 18 Chantez donc tous, et comme il faut, Chantons les grandeurs du Très-Haut, En chantant détruisons le vice Et faisons aimer la justice.
PARTITIONS
Cantique originale de Saint Louis-Marie GRIGNION de MONTFORT
CANTIQUE N° 2 : « AUX POETES DU TEMPS »
1 Ceci n'est pas pour vous charmer, Vous qui ne pensez qu'à rimer, Grands poètes, gens incommodes. Je laisse à d'autres vos méthodes. 2 Je sais bien que vous n'approuvez Que les vers qui sont relevés, Que des phrases à double étage, Qui font un fou plutôt qu'un sage. 3 Vous ferez dix tours et contours Pour faire un vers à rebours, Pour exprimer une sornette, Un vain combat d'une amourette. 4 Je pourrais, pour mille raisons, Vous mettre aux petites maisons. Que dis-je? elles sont toutes vôtres, Les rimeurs y placent les autres. 5 Vos vers sont polis avec art Et souvent ce n'est que du fard, Votre esprit est à la torture, Vos vers le sont aussi, j'en jure. 6 Vos grands vers ne sont pas communs, Oui, mais ils sont bien importuns, Vous courrez l'un et l'autre pôle Pour dire une pauvre parole. 7 Si vos vers étaient vraiment grands, Ils seraient compris des enfants; Ils sont si hauts, ils sont si rares, Qu'ils en sont devenus barbares 8 Grands poètes, je vous entends : Vous rejetez les pauvres gens, Vos vers sont pour les grands génies, Aussi pleins que vous de manies. 9 A moins que les esprits du temps N'y trouvent leurs contentements, Fussent-ils des vers très subimes, Vous, vous en faites de grands crimes. 10 A la mode, un prédicateur, A la mode, un subtil rimeur; A moins qu'on ne soit à la mode, On est sot ou bien incommode. 11 Votre sublime et relevé Montre votre goût dépravé. Pour tout paiement, pauvres malades, Vous voulez des louanges fades. 12 Vous cherchez par mille détours Que quelque homme fou de nos jours Vous dise, mais sans qu'il le pense : Oh! les beaux vers, la bonne stance! 13 Pauvres gens, je me ris de vous, Puisque vous rimez presque tous Pour qu'on applaudisse à vos veines. Mais c'est acheter trop vos peines. 14 Oui, vos vers sont trop achetés, N'étant pleins que de vanités, Que de cent sortes d'amourettes, Indignes des âmes parfaites. 15 Car, sous la rime et la raison, Vous cachez un mortel poison, Un piège mais si tendre, Qu'à peine peut-on s'en défendre. 16 Vos vers sont bons, sans contredit; Rien n'est si beau, ni si bien dit, Rime riche, bonne cadence, Oui, mais quelle infâme imprudence!
17 Si la rime était riche en Dieu, Je ne l'estimerais pas peu, Mais pauvre en vertu, riche en crime, J'en hais le sens le plus sublime. 18 Vous débitez la vanité Comme une pure vérité, Vous ferez passez une fable Pour une histoire véritable. 19 On dit que tout vous est permis, Tant on vous croit les ennemis Des vérités les plus certaines, Amis des vanités mondaines. 20 Comme les poètes païens Vous prenez les maux pour des biens, Je pourrais vous nommer profanes, Ou, pour bien rimer, de francs ânes. 21 O très méchants imitateurs, Vous croyez vos vers sans grandeurs S'ils n'ont emprunté quelque grâce De ceux de Virgile et d'Horace. 22 Vos vers prêchent-ils les vertus? Y voit-on le nom de Jésus? Point du tout, mais la flatterie, L'impureté, l'idolâtrie. 23 Parlez-vous des prédestinés? Vous ne louez que les damnés, Que des hommes tout sanguinaires, Que des amoureux téméraires. 24 Méchants poètes des faux dieux, Vous me traitez de scrupuleux, Ou vous croyez que, par bêtise, Maintenant je vous scandalise. 25 Allez, je n'ose vous nommer, Non de peur de vous diffamer, Mais de peur de souiller ces pages De si funestes personnages. 26 Oui funestes, je ne mens pas, Car peut-être êtes-vous là-bas; Quoiqu'il en soit, vos livres restent, Ces subtils poisons nous empestent. 27 A peine trouve-t-on en eux Rien qui ne soit pernicieux, L'impureté la plus plaisante Est chez eux la plus innocente. 28 Vos vers sont beaux, ils font grand bruit Ce sont des vers luisants de nuit, Le sage en méprise la pompe, Tandis que l'homme fou s'y trompe. 29 Vos vers si finement conçus Encensent Bacchus et Vénus, Et partout ils battent la caisse Pour enivrer de leur ivresse. 30 L'enfer est plein de gens perdus Par vos livres si bien vendus, On laisse là la sainte Bible, C'est à vos vers qu'on est sensible. 31 Oh! qu'ils en damnent tous les jours! On ne peut arrêter leur cours, Presque tout le monde les loue, Sur les théâtres l'on les joue. 32 Oui, ce livre sage et mondain, Que vous avez peut-être en main, A peut-être damné plus d'âmes Qu'il ne contient de mots infâmes.

33 Vous me direz: "Je n'y vois rien Qui ne soit bon, que ne soit bien. " Ne vous y trompez pas, mon frère : Leur poison tôt ou tard opère. 34 Leur brillant cache le poison, Leur appas couvre l'hameçon; Parmi cent mots d'esprit, un tendre Qui fait penser, tomber, se rendre. 35 Ne faites pas le Saint-Esprit Auteur d'un si mauvais écrit, Il est fait par l'esprit immonde Pour séduire les gens du monde. 36 Si vous le gardez, le démon Vous criera toujours qu'il est bon, Qu'on ne pèche point à le lire, Que Dieu ne défend pas de rire. 37 Jetez tous ces romans au feu, Faites-le pour l'amour de Dieu, Sans regarder la couverture, L'impression ni la dorure. 38 Au feu ces contes insolents, Au feu ces bons mots si galants, Au feu ces tendres tragédies Et ces infâmes comédies. 39 Voici mes vers et mes chansons : S'ils ne sont pas beaux, ils sont bons, S'ils ne flattent pas les oreilles, Ils riment de grandes merveilles. 40 S'ils ne sont que pour les petits, Ils n'en sont pas d'un moindre prix ; Si ce sont des vers ordinaires, Ils n'en sont pas moins salutaires.
41 Lisez-les donc, et les chantez, Pesez-les et les méditez, N'y cherchez point l'esprit sublime, Mais la vérité que j'exprime. 42 Prédicateur, dans mes chansons, Vous pourrez trouvez vos sermons, J'en ai digéré la matière Pour vous aider et pour vous plaire. 43 Voici des sujets d'oraison, Je crois le dire avec raison, Car souvent un vers, une rime Font qu'une vérité s'imprime. 44 Chaque mot d'un vers doit porter Pour qu'on le puisse méditer, Pour le garder en sa mémoire, Pour son bouquet et pour sa gloire. 45 Cœur affligé, chantez, chantez, En chantant vous vous surmontez, Le cantique est très efficace Pour avoir la joie et la grâce. 46 Chantez, et de bouche et de cœur, A haute voix, avec ardeur, Pour bannir du cœur la tristesse Et pour le remplir d'allégresse. 47 Prenez garde à la vanité, Qui chante veut être écouté; Si votre voix est ravissante, Que votre âme soit innocente. 48 Chantez donc tous, et comme il faut, Chantons les grandeurs du Très-Haut, En chantant détruisons le vice Et faisons aimer la justice.